Le gouvernement de François Bayrou a dénoncé “une posture d’escalade” après qu’un influenceur algérien expulsé vers l’Algérie jeudi a été renvoyé vers la France. Plusieurs mesures, sur les plans migratoire et économique, sont envisagées.
Jusqu’où la tension entre Paris et Alger va-t-elle monter ? Déjà dégradées, les relations entre la France et l’Algérie ont viré à la crise diplomatique ouverte depuis le début d’année. Après le refus par Alger, jeudi 9 janvier, d’accueillir sur son sol l’influenceur Doualemn, expulsé par Paris après la publication d’une vidéo dans laquelle il appelait à “frapper un homme semblant résider en Algérie”, selon le parquet de Montpellier, le ton est encore monté. Samedi, le gouvernement algérien a dénoncé une “expulsion arbitraire” exécutée par une “extrême droite revancharde et haineuse”.
Avant cette dernière sortie, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a prévenu vendredi, sur LCI, que la France n’aurait pas “d’autre possibilité que de riposter” si “les Algériens continuent cette posture d’escalade”.
“Il y a tout un arsenal de riposte diplomatique, certaines choses que nous disons, d’autres que nous ne disons pas. Nous le ferons au rythme et à la manière que nous jugerons le plus efficace, en mobilisant tous les leviers à notre disposition”, a expliqué le chef de la diplomatie française. Franceinfo passe en revue les mesures que pourrait adopter Paris pour accentuer sa pression sur Alger.
En premier lieu, la France pourrait réduire le nombre de visas qu’elle accorde chaque année aux ressortissants algériens. “On leur donne des visas, mais eux ne donnent pas assez de laissez-passer consulaires”, a déploré Bruno Retailleau, devant des journalistes, vendredi. Auprès du Parisien, le ministre de l’Intérieur avait affiché début janvier sa volonté d'”assumer un bras de fer” en la matière.
Gabriel Attal, ancien Premier ministre, veut, lui aussi, “réduire le nombre de visas accordés”, comme il l’a déclaré au Figaro. En 2023, le nombre de titres de séjour accordés à des ressortissants algériens était de 646 462, selon un rapport de la direction nationale des étrangers en France, davantage que pour les Marocains (603 482).
Cette mesure serait-elle vraiment efficace ? En 2021, la France avait déjà baissé drastiquement l’obtention des visas pour le Maghreb, avec une réduction de 50% du nombre de visas accordés. Une mesure sans “grand résultat”, a rappelé samedi sur franceinfo Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève, en Suisse. En décembre 2022, le gouvernement français avait même décidé de reprendre une “relation consulaire normale” avec Alger.
Outre la réduction du nombre de visas, plusieurs responsables politiques français, à droite et à l’extrême droite, mais aussi au centre, ciblent l’accord de 1968 qui organise l’entrée, le séjour et l’emploi des ressortissants algériens en France, depuis la fin de la guerre d’Algérie. Révisé en 1985, 1994 et 2001, il garantit à ces individus un régime plus favorable que le droit commun, notamment “pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante”, d’après le ministère de l’Intérieur. Cadre des Républicains, Bruno Retailleau est depuis longtemps “favorable à la dénonciation de l’accord franco-algérien de 1968”.
Au sein du camp présidentiel, c’est d’abord Edouard Philippe, patron du parti Horizons, qui s’est prononcé pour la dénonciation de cet accord en juin 2023. Vendredi, dans Le Figaro, Gabriel Attal a, lui aussi, fustigé cet accord, “devenu une filière d’immigration à part entière, permettant le regroupement familial et l’installation de personnes, sans même qu’elles aient à connaître notre langue ou montrer leur intégration”.
La France pourrait appliquer d’autres dispositions, notamment économiques, face à Alger. Sur LCI, vendredi soir, Jean-Noël Barrot a assuré que “l’aide au développement” faisait partie des “leviers” à la disposition de Paris pour “répliquer” face à l’Algérie.
En 2022, par exemple, la France a versé 131,79 millions d’euros au titre de l’aide au développement, en Algérie, contre 112,23 millions d’euros en 2021 et 111,63 millions d’euros en 2020. Ces aides ne financent pas directement la politique du gouvernement algérien, mais permettent à des établissements scolaires et universitaires français d’accueillir des jeunes Algériens, par exemple.
La France pourrait durcir le ton sur d’autres plans. “L’arme commerciale peut être un outil très utile. Menons au niveau européen les discussions nécessaires pour, s’il le faut, augmenter des tarifs douaniers avec l’Algérie”, a défendu Gabriel Attal, vendredi.
L’ancien Premier ministre sait que ces droits de douane sont définis par l’Union européenne et ne relèvent pas de la politique d’un seul pays. “La France n’a pas de grands leviers en matière de sanctions économiques” sans “être adoubée par l’UE”, résume le chercheur Hasni Abidi.
Si elle aboutissait, au terme d’un long parcours diplomatique au sein de l’UE, cette décision pourrait en revanche se retourner contre la France, car l’Algérie exporte du pétrole et du gaz. Le pays du Maghreb représentait 8% des importations de gaz en 2023 et 10% des importations de pétrole la même année.
France info