Le Sénat a achevé ce vendredi l’examen du projet de loi immigration. Il a considérablement durci la copie du gouvernement. Mais la version définitive du texte doit encore attendre les travaux de l’Assemblée.
Au terme d’une semaine intense de débats , au cours de laquelle les tractations dans les couloirs et la bibliothèque du Sénat ont été aussi intenses que les discussions en séance, la Chambre Haute a fini l’examen du projet de loi immigration, porté par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. La majorité de droite et du centre du Sénat a considérablement durci le texte sur tous les aspects, que ce soit dans la lutte contre l’immigration illégale ou l’intégration des immigrés. Petit passage en revue, non exhaustif, avant le vote solennel prévu mardi 14 novembre .
Durcissement du regroupement familial…
Le titre I du projet de loi porte sur les conditions d’octroi de titres de séjour et la lutte contre l’immigration irrégulière. Au sortir de l’examen du texte, les sénateurs ont voté la mise en place de quotas migratoires. Ils ont également durci les conditions d’accès au regroupement familial puisque les candidats au regroupement devront justifier d’une « connaissance de la langue française [leur] permettant au moins de communiquer de façon élémentaire, au moyen d’énoncés très simples visant à satisfaire des besoins concrets et d’expressions familières et quotidiennes ». De même, le maire de la commune d’installation devra vérifier les conditions de logement et de ressources de celui qui demande le regroupement familial.
Les sénateurs ont souhaité créer de nouveaux cas de refus de délivrance ou de retrait de titre de séjour : en cas de fraude documentaire ou lorsque plusieurs types de crimes ou délits ont été commis, notamment à l’encontre des titulaires d’un mandat électif ou de fonctionnaires. Ils souhaitent également davantage contrôler l’immigration étudiante, les visas étudiants étant les plus distribués chaque année (plus de 100.000 en 2022). Lors d’une première demande, les étudiants devront déposer une caution qui leur sera rendue à leur départ.
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Suppression de l’AME
Sujet sensible qui risque de rebondir à l’Assemblée nationale, l’aide médicale d’Etat (AME) a été transformée par les sénateurs en une aide médicale d’urgence (AMU) . Par aide médicale d’urgence, les sénateurs entendent la prophylaxie, le traitement des maladies graves et « les soins urgents dont l’absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l’état de santé de la personne ou d’un enfant à naître ».
Autre sujet voté par les sénateurs : le conditionnement du bénéfice des prestations sociales non contributives (allocations familiales, prestation de compensation du handicap, aide personnalisée au logement et droit au logement opposable) à cinq années de résidence stable et régulière en France. Ils ont également rétabli le délit de « séjour irrégulier », supprimé sous la présidence de François Hollande.
Compromis sur les métiers en tension
Principal point de friction de ce projet de loi entre le gouvernement et la majorité sénatoriale, l’article 3, prévoyant l’attribution d’un titre de séjour aux étrangers irréguliers travaillant dans les métiers en tension (bâtiment, restauration…) a été supprimé. Il a été remplacé par un article renvoyant la possibilité de régularisation au préfet, comme le prévoit la circulaire Valls, avec des critères resserrés : trois ans de résidence en France, douze mois d’activité dans une zone géographique également en tension. Seule avancée pour le salarié : il ne devra plus obtenir l’autorisation de son employeur.
En revanche, les sénateurs ont aussi voté le renforcement des sanctions contre les employeurs ayant recours à une main-d’oeuvre illégale.
Sur un autre sujet, les étrangers en situation irrégulière ne pourront plus bénéficier d’une réduction de 50 % de leur abonnement de transports en Ile-de-France, comme c’est le cas pour certaines personnes à faibles ressources. Ils ne pourront pas non plus bénéficier d’un hébergement d’urgence, sauf exception. Ceux qui séjournent en France au-delà de la validité de leur titre de séjour se verront infliger une amende de 3.750 euros, ainsi que trois ans d’interdiction du territoire. Les sénateurs souhaitent que le statut d’autoentrepreneur soit interdit aux étrangers en situation irrégulière.
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A noter que les sénateurs entendent faire bénéficier les Britanniques d’un traitement de faveur : un visa long séjour leur sera délivré de plein droit s’ils sont propriétaires d’une résidence secondaire en France.
Tour de vis sur l’accès à la nationalité
Le Sénat a également voté un nouveau motif de déchéance de nationalité : en cas de tentatives d’homicide sur un gendarme, policier, ou personne dépositaire de l’autorité publique. Il a également opté pour la restriction des conditions d’accès à la nationalité française. Pour les enfants nés en France de parents étrangers, cet accès ne sera plus automatique comme le prévoit actuellement la loi. L’enfant devra en faire la demande entre ses 16 et 18 ans. Les sénateurs souhaitent aussi une communauté de vie plus longue pour accéder à la nationalité française par le mariage. Le délai pour accéder à la naturalisation passe de 5 à 10 ans. La lutte contre les mariages blancs est également renforcée, avec la possibilité donnée au procureur de suspendre le mariage pendant quinze jours.
Des expulsions facilitées
Les sénateurs ont voté plusieurs mesures destinées à faciliter les expulsions. Seront expulsables les étrangers condamnés définitivement à plus de trois ans, en cas de violences intrafamiliales et de violences sur les élus et en cas de violations des principes de la République. Les restrictions absolues aux expulsions et OQTF, comme l’arrivée en France avant l’âge de 13 ans, sont levées . Selon Gérald Darmanin, lever ces restrictions permettra l’expulsion d’environ 4.000 personnes supplémentaires par an.
Les sénateurs ont aussi adopté une mesure permettant de restreindre la délivrance des visas de long séjour à des ressortissants de pays qui ne délivreraient pas suffisamment de « laissez-passer consulaires », nécessaires pour appliquer les expulsions. La France pourra également revoir le montant de l’aide au développement accordée à ces pays.
Les demandeurs d’asile pourront faire l’objet d’une assignation à résidence ou de placement en rétention en cas de menace à l’ordre public ou un risque de fuite. Les sénateurs ont souhaité que les déboutés du droit d’asile se voient délivrer une OQTF, sans attendre un éventuel recours.