
Par Mohamed AZOUZI / Bruxelles
Le 19 octobre 2025 restera comme une date bénie pour le football et la mémoire collective : le Maroc est devenu champion du monde U20, en terrassant l’Argentine deux buts à zéro. Ce n’est pas une simple victoire ; c’est un cri, un acte, une page d’histoire écrite avec la sueur, la discipline et la foi d’une génération dorée.
Quand l’arbitre siffla la fin, un silence tomba sur les tribunes argentines ; celui, lourd, des certitudes qui s’effondrent. Et soudain, dans le souffle du stade, le Maroc s’est levé.
L’exploit d’une jeunesse sans frontières
Ils ont moins de vingt ans. Ils viennent de Casablanca, Rabat, Madrid, Bruxelles, Paris, Amsterdam, Milan, Berlin. Près de 80 % de cette équipe porte le double héritage du Maroc et de l’Europe : enfants de la diaspora, nourris de rigueur, de métissage et de fierté lumineuse.
Leur accent peut varier, leur drapeau ne varie pas.
Ils ont choisi de jouer pour le Maroc, non par hasard, mais par fidélité : fidélité à une origine, à un parfum, à une mémoire transmise entre plusieurs continents, héritée d’une génération de parents qui n’ont jamais renoncé à leurs racines malgré la distance.
Leur victoire est une parabole : celle d’un peuple dispersé mais jamais divisé.
Elle proclame que la diaspora n’est pas un exil, mais le prolongement du pays au-delà des mers, une artère battant au rythme du cœur national.
Les enfants du monde qui ont choisi le Maroc
À Molenbeek, à Saint-Denis, à Rotterdam, à Barcelone, à Madrid, dans chaque coin d’Europe où flotte un drapeau rouge et vert, des enfants ont grandi avec le rêve de revenir par le sport. Ce soir-là, ils l’ont fait.
Ils ont rendu au pays plus qu’une coupe : une revanche symbolique, un éclat de fierté universelle.
Et tandis que les projecteurs du stade s’éteignaient, les rues s’allumaient : Casablanca, Tanger, Marrakech, Fès, Agadir, des fleuves de joie.
Et au-delà de la mer, Bruxelles vibrait.
Les avenues de Schaerbeek, les cafés de Molenbeek, les boulevards de Saint-Gilles et de la capitale européenne résonnaient des mêmes chants :
« Le Maroc a gagné, et c’est nous tous qui avons gagné. »
La diaspora, moteur invisible mais essentiel
Car la diaspora marocaine n’est pas qu’une passion dans les tribunes ; elle est une force économique, une source d’énergie nationale.
Selon la Banque mondiale, les transferts de fonds des Marocains résidant à l’étranger représentaient 8,6 % du PIB du Maroc en 2023, chiffre confirmé par le Fonds international de développement agricole (IFAD) : 12,9 milliards $ en 2024, soit environ 8 % du PIB.
Une contribution colossale et vitale, qui fait du Maroc l’un des dix premiers pays au monde en matière de transferts de sa diaspora.
Ces chiffres ne sont pas froids : ils traduisent l’attachement, la fidélité et la solidarité silencieuse d’un peuple éclaté mais uni.
Chaque euro envoyé, chaque rêve réalisé à l’étranger, chaque cri de victoire dans un stade européen est un retour d’amour vers la patrie.
L’Afrique debout, le Maroc en éclaireur
Après le Ghana en 2009, le Maroc devient la seconde nation africaine à soulever la Coupe du monde U20.
Mais cette fois, la victoire a une résonance planétaire : c’est le triomphe d’un continent jeune, talentueux, libre, et d’une diaspora qui en incarne la modernité.
L’Afrique n’est plus un espoir ; elle est une présence souveraine.
Et le Maroc, par ses enfants du dedans et du dehors, en est l’avant-garde.
Comment oublier le précédent ? En 2022 au Qatar, les Lions de l’Atlas avaient déjà électrisé le monde, atteignant les demi-finales de la Coupe du monde et offrant à la planète entière ce pénalty légendaire d’Achraf Hakimi face à l’Espagne, symbole de calme, de courage et de confiance.
Cette génération U20 en est l’héritière : même sang, même feu, même foi.
Épilogue : la beauté du geste
Les Lionceaux de l’Atlas n’ont pas seulement conquis une coupe ; ils ont offert au monde une leçon de dignité.
Leur football est un poème en mouvement : la beauté d’un geste juste, la grâce d’un peuple debout.
Ils ont prouvé que le rêve, lorsqu’il s’habille de discipline, devient destin.
Et quelque part, au cœur de la nuit bruxelloise, une voix s’élève, semblable à celle d’un vieux poète :
« Nous avons joué pour toi, Maroc, depuis nos exils, nos souvenirs, nos fidélités. Ce soir, c’est toi qui nous réunis. »